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Les interviews du Blues
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NAPOLEON
WASHINGTON
Interview réalisée le 06/12/04
par Cédric Vernet et Francis Rateau
Le public français va enfin pouvoir découvrir le
talent de Napoleon Washington grâce à la distribution nationale de Mosaïc
Music. Personnage haut en couleur, Napoleon Washington joue un blues
teinté de tradition, de respect des racines mais aussi (et surtout) d'une
incroyable modernité. "Hotel Bravo", son dernier album, est une invitation
au voyage, intemporel, dans l'histoire et l'avenir du blues ...
Napoleon Washington a poussé la porte du Blues
Café sur Couleurs FM pour nous parler de cet album.
Ecoutez l'interview !
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Blues Café : Tu ne vas pas
échapper à la question à laquelle tu dois répondre à chaque interview,
pourquoi ce nom "Napoleon Washington" ? |
Napoleon Washington : Effectivement, c'est
assez récurrent comme question [rires] Premièrement, c'est
parce que c'est drôle ! Ça me fait rire et c'est un bon moyen de se
rappeler qu'il ne faut pas se prendre au sérieux. Il faut prendre ce
métier au sérieux mais soi-même peut-être un peu moins ! Il y a une
autre raison plus profonde. J'avais envie de rendre hommage à
une période de l'histoire qui me touche beaucoup. C'est le moment à la
fin de la guerre de sécession où les esclaves ont été plus ou moins
libérés, en tout cas émancipés. Beaucoup se rendirent compte alors que
la marque de l'homme libre était d'avoir deux noms. Or, la plupart
n'en n'avaient qu'un puisqu'ils étaient considérés comme du bétail
jusque-là. Ils s'en choisirent donc un deuxième. Beaucoup prirent des
noms grandiloquents. C'est la raison pour laquelle certains
s'appellent King (BB King, Freddie King, etc.), Freeman ou Lincoln. Ça
me bouleverse de penser à un truc pareil, c'est incroyable. C'est
pourquoi, j'avais envie d'avoir la même démarche. En devenant
quelqu'un de "libre" dans le monde de la musique, je souhaitais rendre
hommage à ça.
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Blues Café : Quel a été
ton parcours avant de jouer sous ton propre nom et d'enregistrer cet
album "Hotel Bravo" ? |
Napoleon Washington : J'ai un parcours
relativement commun dans la musique. J'ai commencé très tôt à faire de
la musique, j'avais une douzaine d'années. J'ai d'abord joué dans des
petits groupes de garage, de rock'n'roll et le plus vite possible de
blues. Quand j'ai commencé à savoir à peu près faire quelque chose
avec une guitare, j'ai eu la chance de travailler avec des gens comme
Gary Setzer, le frangin de Brian, guitariste des Straycats. J'ai fait
pas mal de tournées en Europe avec lui dans les années 90. J'ai
vraiment appris le métier à ce moment là. Suite à ça, j'ai eu un blues
band électrique, le "Crawlin' Kingsnake Blues Band", qui m'a servi de
laboratoire pour chercher ce que je voulais faire vraiment. Quand ce
groupe est arrivé au bout de ce qu'il pouvait faire est apparu "Napoleon
Washington".
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Blues Café : On sent que
tu as un rapport vraiment spécial avec ta guitare. Tu as une histoire
particulière avec elle n'est-ce-pas ? |
Napoleon Washington : Oui, je travaille
avec deux ou trois guitares sur scène et en studio mais il y en a une
qui est vraiment la principale effectivement. C'est une guitare à
résonateur, assez proche d'une Nationale. Elle m'a été offerte
par des artisans de chez vous en France [Mike Lewis et Mike Avocat,
ndr] dont un est à Paris et l'autre à Besançon. Ils en fabriquent
quelque chose comme 25 par an à peu près, pas plus. C'est vraiment du
sur-mesure. Ils en ont fabriqué pour tout un tas de grands noms - Eric
Clapton, Francis Cabrel - et c'est à moi qu'ils ont décidé d'en offrir
une donc c'était vraiment très touchant. En fait, je leur dois
beaucoup plus qu'une guitare car il se passe tout autre chose quand on
commence à entrer dans ce type de rapport avec un instrument. On peut
travailler vraiment différemment. On atteint un état de grâce, une
osmose avec l'instrument, c'est une très belle chose.
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Blues Café : Cet album "Hotel
Bravo" a été enregistré dans des conditions spécifiques loin
des grands studios. C'est un vrai choix pour toi n'est-ce pas ? |
Napoleon Washington : Oui, c'était une
démarche. Je ne sais pas comment la situation va évoluer car le marché
du disque bouge pas mal, mais je crois encore aux albums qui sont des
histoires, des paquets conçus en une pièce avec une continuité, une
intention, une démarche. Je n'ai jamais été intéressé de faire un
album qui était la reproduction de ce que je faisais sur scène. J'ai
plutôt envie de faire quelque chose de complémentaire. C'est la même
musique, la même intention mais sur scène on a tout un impact visuel,
le contact avec le public, la prise de risque, etc. Il se passe
beaucoup de choses sur scène qu'il n'est pas possible de reproduire en
studio. Je crois qu'il faut faire bien attention de
remplacer cela par autre chose. En l'occurrence, on a décidé
d'enregistrer cet album en extérieur, sous un pont routier, dans un
immense hangar de marchandises. On a fait venir un gros camion avec un
studio à l'intérieur. Il a fallu faire dévier la circulation par la
police et bloquer chaque côté du pont avec des grands velours. On a
travaillé là dessous, en pleine ville, pour enregistrer cet album. On
entend la vie de ce contexte urbain derrière et je pense que ça lui
donne une couleur, une particularité.
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Blues Café : Le travail sur le
son est fondamental pour toi ? |
Napoleon Washington : Oui, c'est capital.
Je crois qu'on passe d'un hobby à un travail professionnel en soignant
ce genre de détail. Sur scène, lors des concerts en solo, on est en
réalité un duo. Il y a moi qui joue et un ingénieur du son qui amène
ma musique au spectateur. Pour moi, ce n'est pas dissociable, c'est un
tout. |
Blues Café : Sur le site
Internet du Blues Café, les auditeurs peuvent poser des questions à
nos invités. Vincent est guitariste et il te pose deux questions. La
première, qu'il qualifie de "futile" est la suivante : "Ton look est
assez rock'n'roll, correspond-il à un mode de vie ou une philosophie
particulière ?" |
Napoleon Washington : C'est une question
assez amusante [rires] C'est peut-être
difficile
à croire mais je n'ai pas le sentiment de travailler particulièrement
ce truc là. Sur scène, on s'habille avec les "habits du dimanche". Je
ne dis pas ça par hasard. Le seul endroit où les blancs foutaient la
paix aux nègres c'était à l'église. C'était le seul endroit où ils
pouvaient faire de la musique et se laisser un peu aller. Il en est
resté une tradition dans le blues, celle de s'habiller pour faire de
la musique. Je trouve que c'est beau, ça fait aussi parti du contexte
et il ne faut pas l'oublier. Ceci dit je ne suis pas très différent de
la vie de tous les jours mais ce n'est pas une démarche, je ne le
crois pas. Je suis comme ça.
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Blues Café : Vincent te pose une
autre question plus technique : "Certains de tes morceaux ont des
passages en mineur, par exemple River of Tears, joues-tu en
open tunning mineur ou es-tu adepte du jeu au doigt derrière le
slide (ça s'appelle le Fretting behind the slide) ? |
Napoleon Washington : Comme j'ai à faire à
quelqu'un qui sait de quoi il parle, je vais lui répondre précisément !
Dans River of Tears, c'est du fretting. Je joue parfois
avec la guitare en lap, c'est à dire sur les genoux, mais c'est
très rare. Parfois, je suis accordé en majeur et je prends des
positions en mineur, comme dans River of Tears. Puis, il y a
d'autres morceaux où j'emploie un accordage en mineur et je le fret
parfois en majeur.
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Blues Café : On sent que tes
influences sont nourries par des bluesmen majeurs comme Charley
Patton, Son House ou Blind Willie Johnson mais aussi d'artistes
beaucoup plus contemporains qui s'illustrent en
jouant de la musique acoustique comme Eric Bibb ou Keb' Mo'. Quel
regard portes- tu sur cette nouvelle génération ? |
Napoleon Washington : Je suis très rassuré
par les gens qui font ça. Je refuse de croire que le blues appartient
au passé mais je pense que le passé appartient au blues. Une partie de
l'histoire fait partie du patrimoine du blues. C'est une chose
précieuse qu'on doit respecter mais chercher à reproduire le vieux
son, ça me désespère. A ma mesure, je tiens absolument à faire quelque
chose de très contemporain. Tous ceux que j'écoute, comme Keb' Mo' ou
même Ben Harper, jouent un blues très contemporain, sans complexe, où
ils ne se sentent pas obligés de reproduire un son des années 50. Je
leur en suis très reconnaissant car c'est grâce à eux qu'on pourra
continuer à faire ce travail.
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Blues Café : Tu nous avais
parlé, il y a quelque temps, d'un projet assez pharaonique. Tu
as pu le réaliser ? |
Napoleon Washington : Oui, ça s'est passé en
Suisse à la fin du mois d'octobre. Il s'agissait d'un très gros
concert qui a eu lieu dans un beau théâtre pas très loin de chez moi.
On était en trio sur scène avec un batteur percussionniste et un
pianiste qui avait un piano à queue, un Hammond B-3 et un Rhodes. A lui
seul, il prenait déjà la moitié de la scène. C'était un concert
vraiment magique qui intégrait en plus tout un travail sur l'image. Ce
truc à eu suffisamment de succès pour qu'on puisse le filmer avec
plusieurs caméras dans des conditions très professionnelles. Il y aura
donc peut-être un DVD qui va sortir.
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Blues Café : Napoleon
Washington, ce fût un grand plaisir de t'accueillir dans notre Blues
Café sur Couleurs FM. Bonne continuation et à bientôt ! |
Napoleon Washington : Merci beaucoup, à
bientôt ! |
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